Table Ronde

Table ronde : libres pensées

Mois de la langue bretonne.

C’est le mois de la langue bretonne en tout cas à Lannion, mais ce n’est pas pour autant le mois du « parler exclusivement breton ».

Je considère que ce mois doit être aussi consacré à parler DE la langue et permettre de s’exprimer AU SUJET DE la langue.

Sur la langue :

L’inversion.

Il est tout à fait intéressant de constater que la langue bretonne exerce parfois aujourd’hui une pression qui ressemble à celle exercée par le français à l’origine c’est-à-dire on stigmatise ceux qui parlent mal ou pas tout à fait bien et la langue est accaparée par une classe de « privilégiés » un peu à la façon dont au Moyen-âge les élites du pays parlaient français, laissant le peuple parler breton.

Tour d’ivoire.

L’expression de la fierté au sujet de la langue est certes légitime, mais à mon avis elle ne doit pas se faire dans un contexte de tour d’ivoire.

Certes il y a eu hep gallek Bro C’hall ebet et aujourd’hui on entend hep brezhoneg Breizh ebet mais parfois on le comprend comme Brezhoneg nemetken ! Et que dire de : English, as the unique langage ?

Favoriser les usages.

Il est important de ménager des espaces de discussion et d’échange en brezhoneg comme celui-ci mais il est important également que cet espace soit ouvert régulièrement à des non-brezhonegerien… Il faut bien avoir en tête cela si l’on veut ouvrir la langue bretonne au monde actuel et la rendre attractive au plus grand nombre. La Bretagne est composée aujourd’hui d’individus qui ne comprennent pas dans leur grand majorité le breton, mais qui aiment la Bretagne.

C’est bien la question du nombre de locuteurs qui est posée. En priorité.

Immersion : très bien mais…

L’immersion est un moyen fantastique d’apprentissage ; toutefois il doit être librement accepté et, à mon avis, réservé à des situations bien spécifiques. Lorsqu’elle est imposée de fait dans l’espace public, elle s’avère souvent contre-productive, car l’espace public n’est pas composé de « bretonnants parfaits » mais de non-bretonnants ou de « peu-bretonnants » -qui aiment la Bretagne et ses langues- mais qui se trouvent perdus dans des gwerzioù sans doute sublimes mais interminables…

La langue dans l’espace public.

L’espace public a besoin de clés de compréhension et la langue doit y être accompagnée : traductions, textes courts, indications scéniques, panneaux… Il faut éviter de désorienter, de perdre le public, le témoin, le touriste, l’homme de la rue, le spectateur.

Se poser la question : lorsqu’on s’exprime en breton, à qui s’adresse-t-on ? A quel pourcentage de la population de Bretagne ? Que veut-on montrer par le fait de s’exprimer en breton ? Et cette question, il faut se la poser surtout lorsqu’on milite pour un accroissement significatif du nombre de locuteurs.

Trouver le bon équilibre entre la langue bretonne, sa beauté et sa poésie, et le français qui ne doit pas s’imposer, qui ne doit pas être invasif, mais qui doit aider à maintenir l’intérêt de l’écoute du breton et surtout augmenter l’envie de se mettre à l’apprendre.

L’espace familial.

Quant à l’espace familial, sauf exception bien sûr, sa langue est le français depuis la répression contre la langue bretonne conduite par l’État français. Mais un pont tenu subsiste dans l’espace familial, non par le biais d’un échange en breton qui n’est plus possible la plupart du temps, mais par la légitimité d’une demande exprimée par des francophones à des bretonnants : faites nous vibrer à vos accents et enchantez-nous de vos voix !

Et c’est là que le projet Languesdebretagne.bzh veut se situer, pour amplifier et partager ces envies d’entendre du breton… et de le comprendre.

Sur l’incitation à l’apprentissage :

C’est la priorité.

« Le véritable problème que doit affronter la langue bretonne aujourd’hui se situe ailleurs que dans sa capacité de renouvellement de l’intérieur, que lui reconnaissent de plus en plus les linguistes. Son avenir est tributaire à la fois du nombre de locuteurs et de l’usage qui sera fait de la langue elle-même (Hervé Abalain) »

C’est pour cela que je considère que la priorité est d’augmenter drastiquement le nombre de locuteurs. Donc d’apprenants. Et d’utiliser tout ce qui peut servir à augmenter ce nombre d’apprenants.

Dans un mémoire que j’ai rédigé dans le cadre du D.E.C. de l’université de Rennes2 sous la supervision de Ronan Le Coadic, je posais la question : Apprendre les langues bretonnes en 2020 : quelles motivations ? Analyse critique des incitations à leur apprentissage.

Il faut inciter les bretons à se mettre massivement à apprendre leur langue. Utiliser tous les moyens de conviction. Augmenter les motivations et diminuer les coûts d’apprentissage (au sens large).

Être au rendez-vous d’outils nouveaux pour apprendre la langue, outils que nous voulons contribuer à faire naître.

Le projet LanguesDeBretagne.BZH.

Se limite volontairement aux adultes du creux générationnel (20 – 60 ans). Présente une approche originale : s’adresser directement aux familles (pour massifier l’opération).

Parler DE la langue.

Faire accomplir un acte concret : le recueil d’accents.

Languesdebretagne.bzh/diaporama